Le Marxiste-Léniniste

Numéro 13 - 6 avril 2019

Un sommet de l'OTAN sans éclat
à l'occasion du 70e anniversaire
de sa création

Réunions sur les 70 ans de l'OTAN

 

70 ans plus tard, la question allemande reste entière
et les divisions s'accentuent

Unis dans l'action contre la guerre à Washington
Des différends au sein de l'Alliance de l'OTAN
dirigée par les États-Unis


À titre d'information
Projet de loi sur la Chambre des représentants
des États-Unis en appui à l'OTAN


Collusion et rivalité dans l'Arctique

Le gouvernement Trudeau entreprend de militariser l'Arctique
- Peter Ewart -

La dispute au sujet du passage du Nord-Ouest

La lutte des Inuits pour faire de l'Arctique une Zone de paix


À titre d'information
L'Arctique – un survol

Le conseil de l'Arctique et la question militaire

Supplément
Les origines de l'OTAN

Les événements entourant la création de l'OTAN




Un sommet de l'OTAN sans éclat à l'occasion du 70e anniversaire de sa création

 70 ans plus tard, la question allemande reste entière et les divisions s'accentuent


Manifestation à Washington le 30 mars 2019, début d'une semaine d'actions

Les 3 et 4 avril 2019, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) se sont réunis à Washington pour célébrer le 70e anniversaire de la fondation de l'OTAN, le 4 avril 1949. Le sommet a été organisé par le département d'État des États-Unis, en présence du secrétaire d'État américain, Mike Pompeo. Le président américain, Donald Trump, n'était pas présent, mais il a rencontré le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, à la Maison-Blanche le 2 avril.

Le sommet est qualifié de « sans histoire », en partie parce que les divisions graves qui existent continuent de s'approfondir et n'ont pas été résolues bien que l'OTAN soit présentée comme l'alliance la plus couronnée de succès de l'histoire. Malgré les divisions, ce sommet a présenté une unité dirigée en partie contre la Russie et la Chine, afin de montrer que l'OTAN est toujours en mesure d'agir. « Aucune alliance militaire au monde ne peut de près ou de loin faire ce que nous faisons. Aucune alliance ne peut de près ou de loin rivaliser avec le pouvoir des nations représentées ici aujourd'hui », a déclaré Mike Pompeo.

Les remarques de Pompeo visaient également à rassurer les membres de l'OTAN sur l'engagement américain envers la défense collective. Il devait le faire parce que Trump a dit plus d'une fois que les États-Unis pourraient ne pas respecter l'article 5 qui appelle les pays membres à défendre l'un des leurs en cas d'attaque. L'OTAN est renforcée « par notre engagement de défense collective tel qu'il est énoncé à l'article 5, auquel nous nous engageons tous de nouveau aujourd'hui », a-t-il dit. Le représentant des États-Unis auprès de l'OTAN l'a également répété : « Les États-Unis ont toujours affirmé leur soutien à l'OTAN, notamment au principe de défense collective énoncé à l'article 5 [...] le président, le vice-président, les secrétaires d'État et de la Défense, et d'autres hauts responsables américains ont tous souligné ce fait. »

Malgré ces déclarations, Trump et Pompeo se sont quand même fait un devoir de cibler l'Allemagne, en particulier pour qu'elle augmente ses dépenses pour la guerre. Ainsi, on peut constater que la « question allemande », comme on l'a appelée en 1949, n'est pas réglée.

La question allemande n'est pas réglée

Quand l'OTAN a été fondée en 1949, c'était une période de soulèvement des peuples, qui avaient vaincu le fascisme. Les peuples exigeaient la dénazification de l'Allemagne, le démantèlement de son industrie de guerre et la restauration des libertés démocratiques, et luttaient pour constituer des démocraties populaires. L'OTAN a été mise sur pied en partie pour bloquer cette avancée démocratique et ramener les nazis à des postes de pouvoir, le rôle principal étant joué par les États-Unis. Alors que les peuples luttaient pour consolider leurs victoires sur le fascisme et éliminer toute trace du nazisme et du pouvoir nazi, les États-Unis agissaient dans le sens contraire. Cela comprend la division et l'occupation de l'Allemagne et la création de l'OTAN. Lord Ismay, premier secrétaire général de l'OTAN, a déclaré que l'objectif de l'OTAN était de « garder les Américains à l'intérieur, les Soviétiques dehors et les Allemands à terre ».

Aujourd'hui, les États-Unis ont 32 000 soldats et des dizaines de bases en Allemagne. Ils poussent l'Allemagne à augmenter considérablement le financement de la guerre, armes et forces comprises. Le Pentagone, par exemple, demande aux membres de l'OTAN de respecter l'initiative des « quatre 30 », de 30 bataillons, 30 escadrons aériens. 30 navires de combat prêts à l'emploi dans un délai de 30 jours.

Dans son discours, Mike Pompeo a fait allusion à l'Allemagne sans la nommer. « Ce n'est pas le moment de répéter des excuses éculées selon lesquelles nos citoyens ne sont pas favorables à une augmentation des dépenses de défense ou de sécurité. Chaque pays a le devoir de défendre son peuple. En tant que dirigeants, il est de notre devoir de montrer aux citoyens pourquoi ce travail, ces ressources, sont importants pour faire en sorte que non seulement notre propre pays, mais également notre alliance, restent forts. »

Le président Trump a été plus direct dans ses commentaires et a déclaré le 2 avril : « L'Allemagne, honnêtement, ne paie pas sa juste part. [...] Elle paye près de 1 % et est censée payer 2 %. Et les États-Unis, au cours des dernières années, nous avons payé 4,3 %, ce qui est très injuste... car cela représente 4,3 % d'un PIB beaucoup plus important. Nous payons une grande part des dépenses de l'OTAN qui protège l'Europe. »

Le 3 avril, le vice-président des États-Unis, Mike Pence, a réitéré cette demande : « L'Allemagne doit faire plus. » Parlant du gazoduc Nord Stream qui relie Vyborg (Fédération de Russie) à Greifswald (Allemagne), Pence a déclaré : « Nous ne pouvons pas assurer la défense de l'Occident si nos alliés deviennent de plus en plus dépendants de la Russie » et « il est tout simplement inacceptable que la première économie européenne continue d'ignorer la menace d'agression russe et néglige sa propre défense et notre défense commune ».

Il est clair que les États-Unis veulent empêcher l'Allemagne de s'allier à la Russie, tout en lui demandant de faire davantage pour agir militairement afin de protéger l'Europe. En attendant, Trump a indiqué à plusieurs reprises que les États-Unis se réservaient une alliance potentielle avec la Russie. Il répète qu'il veut des rapports amicaux avec la Russie, alors lors qu'il menace de retirer les États-Unis de l'OTAN, cela veut dire que cette alliance possible est un facteur. C'est une des raisons qu'invoque Trump lorsqu'il menace de retirer les États-Unis de l'OTAN, ce qu'il a fait à plusieurs reprises. Également avec ses 32 000 soldats et ses dizaines de bases sur le sol allemand, les États-Unis ne semblent pas craindre que l'Allemagne devienne une puissance militaire plus forte. Cependant, les autres pays européens sont inquiets. Pour eux, le problème de « garder les Allemands à terre » est toujours là. Comme aux États-Unis, la population, non seulement en Allemagne, mais dans toute l'Europe, est également opposée à l'intensification de la militarisation, à l'augmentation du financement de la guerre et aux guerres d'agression menées par l'OTAN et dirigées par les États-Unis.

Non seulement le sommet n'a rien fait pour résoudre « la question allemande », mais Donald Trump, Mike Pence et Mike Pompeo ont répété qu'il était « inacceptable » que l'Allemagne n'augmente pas ses dépenses de guerre et que les États-Unis pourraient cesser de protéger l'Europe. Cela ne fait rien pour dissiper les inquiétudes européennes concernant la montée militaire de l'Allemagne et le possible refus des États-Unis de se conformer à l'article 5 et même son retrait possible de l'OTAN.

Quelle que soit la forme que prendra l'OTAN à l'avenir, le diktat des États-Unis et les conflits au sein de l'OTAN, entre les pays de l'OTAN, y compris les États-Unis, et entre les États-Unis et l'Europe resteront. L'expansion de l'OTAN depuis la fin de la guerre froide n'a rien fait pour garder l'Allemagne « à terre » ou résoudre les conflits. La lutte interimpérialiste pour la domination n'a fait qu'exacerber les contradictions et accroître le danger de guerre en Europe, suscitant une inquiétude croissante des peuples.

Une force pour les guerres de destruction

Au sommet, Mike Pompeo a présenté l'OTAN comme une force importante pour la paix. L'OTAN a fourni un « bouclier contre l'agression et a un effet de dissuasion », a-t-il déclaré, ajoutant que la création de l'OTAN a porté ses fruits et apporté « des dizaines d'années de paix et de prospérité pour l'Occident à une échelle sans égale dans l'histoire mondiale ».

Tout le monde est censé oublier la guerre massive menée par les États-Unis avec l'OTAN pour détruire la Yougoslavie et démembrer complètement le pays. Manifestement, nous devons oublier l'agression de l'OTAN dirigée par les États-Unis contre l'Afghanistan, la Libye, la Syrie et l'ingérence en Afrique et maintenant en Amérique latine, alors que la Colombie est devenue un « partenaire global » de l'OTAN et que le Brésil pourrait lui emboîter le pas. La « dissuasion » a pour but de décourager les efforts des peuples contre la guerre et leurs luttes pour leurs droits. Les efforts des peuples après la Deuxième Guerre mondiale pour sécuriser les démocraties qui favorisent le peuple sont inachevés. L'OTAN a précisément un effet dissuasif sur la réalisation de ces révolutions démocratiques en Europe, ainsi qu'aux États-Unis et au Canada.

Pompeo évoque le spectre du communisme

Pompeo a profité du sommet de l'OTAN pour ressusciter la rhétorique de la guerre froide sur la menace du communisme. Il a utilisé l'Allemagne pour le faire : « Mais nous célébrons cette année également un deuxième anniversaire d'importance pour l'Occident : celui de l'effondrement du rideau de fer. [...] Cet anniversaire est intimement lié à l'OTAN. Pendant 40 ans, l'Alliance de l'OTAN a constitué un rempart contre l'expansion communiste en Europe. Nous étions prêts à invoquer l'article 5 à tout moment si les Soviétiques traversaient la trouée de Fulda, comme nous l'avons fait après le 11 septembre. Notre supériorité militaire les a dissuadés de mettre en oeuvre leurs projets de domination de l'Europe et, entre-temps, la course aux armements du président Reagan a conduit l'empire du mal à la faillite. »

La guerre froide est terminée depuis longtemps. Les « fruits de la paix » promis, proclamés par Pompeo, ne se sont jamais matérialisés. La destruction de la Yougoslavie, les guerres de l'OTAN en cours menées par les États-Unis, les énormes budgets du Pentagone et les exigences d'augmentation du financement militaire de l'OTAN révèlent la vérité. Quel est alors le but de ramener le spectre du communisme aujourd'hui ? C'est de s'attaquer aux luttes des peuples pour leurs droits, pour des sociétés qui défendent leurs intérêts et leur volonté de mettre fin à la guerre et pour des relations de respect et d'avantages mutuels entre les peuples, comme ce fut le cas il y a 70 ans lorsque l'OTAN a été créée. C'est dire encore une fois qu'il n'y a pas d'alternative à l'impérialisme, à la domination américaine, aux blocs militaires et politiques contre les peuples tels que l'OTAN. C'est prétendre que l'histoire ne peut aller plus loin. Les peuples doivent accepter de se soumettre aux États-Unis et à leur démocratie dysfonctionnelle et archaïque. Mais les peuples disent Non !, comme le montrent les actions contre l'OTAN à Washington et ailleurs dans le monde au moment du Sommet et de cet anniversaire de l'OTAN. Les peuples se battent pour des démocraties modernes qui les investissent du pouvoir et barrent la voie aux fauteurs de guerre.

Pompeo a également appelé l'OTAN à étendre sa portée. « Nous devons adapter notre alliance pour faire face également aux menaces émergentes, a-t-il dit, qu'il s'agisse de l'agression russe, des migrations incontrôlées, des cyberattaques, des menaces à la sécurité énergétique, de la concurrence stratégique chinoise — en particulier en matière de technologie 5G — et de nombreux autres problèmes qui mettent en péril les idéaux de nos peuples et notre sécurité collective. »

Faire des « migrations incontrôlées » une menace alors que Trump menace de fermer la frontière avec le Mexique et a placé des milliers de soldats à la frontière et alors que la crise provoquée par les guerres menées par les États-Unis en Asie occidentale fait ses ravages dans le monde entier est un affront délibéré. Il mentionne la Chine et la technologie 5G à un moment où le Canada et les États-Unis criminalisent déjà la société chinoise Huawei en prétendant que son réseau 5G constitue une menace pour la sécurité nationale. De même, les États-Unis reprochent à la Turquie, qui est membre de l'OTAN, d'avoir acheté un système de défense antimissile russe. « La Turquie doit choisir, a prévenu le vice-président Mike Pence. Veut-elle rester un partenaire essentiel de l'alliance militaire la plus réussie de l'histoire ou veut-elle risquer la sécurité de ce partenariat en prenant des décisions aussi téméraires qui minent notre alliance ? » Les États-Unis n'exigent pas seulement que les pays de l'OTAN augmentent leur financement, ils réclament aussi la normalisation des armes et des équipements produits par l'industrie de guerre américaine. La rivalité n'est pas seulement avec la Chine et la Russie, elle est aussi avec l'Union européenne.

Les États-Unis sont convaincus que la représentation de l'OTAN centrée sur eux-mêmes l'emportera. « Notre structure est conçue pour responsabiliser chaque allié et non pour le subjuguer, a déclaré Pompeo. Nous conservons un remarquable degré d'unité. » La réalité est que, tout comme l'OTAN a été créée comme instrument des États-Unis pour contrôler l'Europe de manière à dominer l'Asie, elle pourrait tout aussi bien disparaître alors que d'autres s'efforcent de contrôler l'Europe et de dominer l'Asie, y compris les Asiatiques eux-mêmes. Qui plus est, les peuples du monde continuent de hisser le drapeau de la paix, de la liberté et de la démocratie d'une manière qui correspond aux conditions actuelles, ce qui défie les tentatives des puissances impérialistes, les États-Unis en tête, de contrôler la situation. Le sommet anniversaire sans éclat de l'OTAN n'a résolu aucun des conflits au sein de l'OTAN et, en particulier, pour « garder les Américains à l'intérieur, les Russes à l'extérieur et les Allemands à terre ».

La cause de la paix et de la sécurité est mieux servie en quittant l'OTAN et en démantelant l'OTAN. C'est ce que révèlent les 70 ans de l'OTAN.

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Unis dans l'action contre la guerre à Washington


Washington, 30 mars 2019

Non à l'OTAN ! Fermez toutes les bases américaines à l'étranger ! Ne touchez pas au Venezuela ! C'étaient les slogans populaires qui résonnaient haut et fort à l'occasion du 70e anniversaire de la fondation de l'OTAN. Le sommet de l'OTAN à Washington a été marqué par des manifestations et d'autres actions pour dire Non à l'OTAN et exiger la fermeture de toutes les bases américaines et de l'OTAN dans le monde. Un grand rassemblement et une marche ont eu lieu le 30 mars, suivis de conférences, de concerts et d'une autre action le 4 avril près de l'édifice du département d'État. C'était une position résolue en opposition à l'OTAN en tant que bloc politique et militaire dangereux et agressif qui est contraire aux intérêts des peuples. Sous la direction des États-Unis, l'OTAN a joué un rôle majeur dans les guerres contre l'Afghanistan, la Libye et la Syrie et a été en grande partie responsable de la destruction et du démembrement de la Yougoslavie il y a vingt ans. Politiquement, l'OTAN agit pour imposer ce qu'on appelle des institutions démocratiques libérales et organise des « séances de formation » en vue des élections et la « construction d'instituts ». C'est en dépit du fait que les systèmes démocratiques des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne et d'autres pays sont en en crise, dysfonctionnels et corrompus et reviennent à des méthodes de plus en plus totalitaires.

Les actions et les conférences visaient les États-Unis en tant que principale force de promotion de la guerre et de la militarisation dans le monde entier, qui exige notamment que tous les pays de l'OTAN utilisent des armes américaines. Elles ont également dénoncé les efforts des États-Unis visant à imposer un changement de régime au Venezuela et se sont vigoureusement opposées à toute intervention militaire contre ce pays qui se bat pour poursuivre sa propre voie et qui rejette le diktat américain. Les slogans « Ne touchez pas au Venezuela ! Pas de sanctions, pas d'intervention militaire ! » ont été scandés tout au long des actions.

L'importance de se rassembler pour prendre position, de s'opposer à toute agression américaine, à toutes les guerres d'agression et à la participation de l'OTAN à celles-ci, était bien en évidence lors des différentes activités. Il en a été de même de la demande de fermer toutes les bases américaines à l'étranger, notamment de mettre fin à AFRICOM, le commandement américain en Afrique, où se déroulent des opérations menées par des forces spéciales et d'autres opérations militaires menées par les États-Unis.


Des délégations de Vancouver et de Belgique parmi les participants à la marche
de Washington le 30 mars 2019

Des délégations de Belgique, du Canada, d'Allemagne et de Russie se sont jointes aux manifestations dans de nombreuses villes des États-Unis. Tandis que les leaders réunis proclamaient que l'OTAN était la source de la paix et de la sécurité, les manifestants ont dit haut et fort que c'est la position unie des peuples pour leurs droits qui assure la sécurité. Personne n'allait se laisser entraîner dans des querelles à savoir si les États-Unis doivent se retirer de l'OTAN ou s'il fallait augmenter le financement. Au contraire, ils ont déclaré : Non à l'OTAN, non à la guerre américaine et non au changement de régime, arrêtez la militarisation, non au financement de la guerre et oui au financement des droits du peuple. L'importance d'actions unies des forces opposées à la guerre aux États-Unis et dans le monde a été soulignée à plusieurs reprises.

Une réunion convoquée pour célébrer le deuxième anniversaire de l'Alliance noire pour la paix a conclu les événements avec une prise de position ferme à la défense des droits au pays, pour le démantèlement de l'AFRICOM, pour la fermeture de toutes les bases américaines et pas de compromis avec les fauteurs de guerre, qu'ils soient blancs ou noirs. Les Afro-Américains dans leur majorité se sont longtemps opposés à la guerre et l'Alliance s'emploie à renforcer et à organiser cette résistance. Les participants ont décidé d'intensifier la lutte pour les droits chez eux et à l'étranger et d'organiser d'autres actions unies.

Washington, 30 mars 2019






Washington, 4 avril 2019




New York, 30 mars 2019


Minneapolis, 30 mars 2019


(Voice of Revolution)

D'autres actions à l'occasion de l'anniversaire de l'OTAN

Canada

Halifax



Montréal




Ottawa


Toronto




Régina


Calgary


Vancouver

Europe

Belfast, Irlande


Londres, Angleterre


Édimbourg, Écosse



Copenhague, Danemark

(Photos: LML, M. Kimberley, Rehumanize Int., N. Freeman, MPAC, Canadian Peace Congress, N. Pagliccia, Hands Off Venezuela, London Committee for Nuclear Disarmament, J. Fenton, Green SCND)

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Des différends au sein de l'Alliance
de l'OTAN dirigée par les États-Unis

En dépit de la démonstration d'appui pour l'OTAN de la part de son exécutif lors du sommet du 70e anniversaire qui s'est tenu à Washington, DC, les 3 et 4 avril, Trump a clairement déclaré que la possibilité du retrait des États-Unis demeure. Ces conflits qui existent aux États-Unis au sein de et entre l'exécutif, le Congrès et les membres de l'OTAN reflètent les conflits sérieux qui existent au sein des cercles dirigeants des États-Unis sur la question de comment contrôler l'Europe et dominer l'Asie et comment dans ce contexte garder en échec la Russie et la Chine.

Les conflits et les contradictions dans les rangs de l'OTAN et au sein des États-Unis continuent de s'exprimer et étaient présents au Sommet du 70e anniversaire malgré les déclarations d'unité et de force.

Le 3 avril, le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a été invité à s'adresser à une session commune du Congrès par Nancy Pelosi, leader démocrate de la Chambre des représentants, et Mitch McConnell, leader républicain du Sénat. C'est un honneur qui est habituellement réservé à des chefs d'État triés sur le volet. L'invitation était dans le cadre des efforts de la majorité au Congrès, républicains comme démocrates, pour contrer les menaces répétées de Trump de se retirer de l'OTAN. L'invitation a elle-même suivi plusieurs autres actions du Congrès, dont le passage d'un projet de loi à la Chambre en janvier, par un vote de 357 à 22, pour appuyer l'OTAN et bloquer tout financement du retrait (28 républicains et 26 démocrates n'ont pas voté). Ce projet de loi a maintenant été envoyé au Sénat.

Trump continue de faire des menaces

Une fois qu'il a été révélé que le Congrès avait invité Stoltenberg à prendre la parole, Trump l'a invité à la Maison-Blanche le 2 avril. Alors qu'ils ont tous deux utilisé l'occasion pour dire que les membres de l'OTAN ont répondu aux demandes américaines aux pays membres d'accroître leur financement de guerre, Trump a dit qu'il faudra faire encore plus, lors d'une conférence de presse commune juste avant leur rencontre. « Sept des 28 pays sont maintenant à jour alors que les autres essaient de combler leur retard et ils vont le combler. Certains d'entre eux vont y réussir facilement parce qu'ils n'ont rien payé jusqu'à maintenant et ils sont très riches. Nous visons en ce moment 2 % du niveau du PIB. À un moment donné, je crois que nous devrons viser un pourcentage plus élevé. » Cela lui donne un prétexte continu pour se retirer de l'OTAN. Lorsqu'un journaliste lui a demandé directement si les États-Unis allaient se retirer, il n'a pas dit non, mais a répété la même chose. « Les pays paient, et je suis bien content qu'ils paient », a dit Trump.

L'idée que les États-Unis pourraient se retirer de l'OTAN est renforcée par le fait qu'il existe des forces au sein des forces armées et de l'administration Trump pour qui les États-Unis pourraient mieux réaliser leur objectif de domination mondiale sans l'engagement qui lie l'OTAN à la défense de l'Europe. Les vastes bases que possèdent les États-Unis en Europe, y compris en Allemagne où ils ont stationné 32 000 soldats, montrent qu'ils possèdent des capacités militaires plus grandes que celles de tous les autres pays de l'OTAN réunis en ce qui concerne les armes nucléaires, les bombardiers, les navires de combat, les drones et les Forces spéciales (qui comprennent maintenant 80 000 soldats). Autrement dit, les États-Unis ne s'appuient pas sur les capacités militaires de l'OTAN. Sans l'OTAN, les États-Unis seraient libres d'agir de manière unilatérale, car ils n'auraient pas à tenir compte de ce que pensent des membres européens comme l'Allemagne et la France.


Bases militaires américaines en Europe

Cela comprend la contrainte imposée par l'article 5 du traité de défendre n'importe quel membre s'il est attaqué. On a demandé à Trump ce qu'il pense d'avoir à défendre des pays plus petits qui font maintenant partie de l'OTAN comme le Montenegro, ce qui pourrait déclencher une troisième guerre mondiale. En plus, un retrait des États-Unis de l'OTAN permettrait à l'administration Trump de conclure toutes les alliances de son choix, comme une alliance avec la Russie afin de contrer la Chine tout en continuant de contrôler l'Europe. Il pourrait aussi conclure des accords bilatéraux plus solides avec des pays comme la Pologne et ceux parmi les pays d'Europe de l'Est qui ont intégré leurs forces à celles des États-Unis.

Les relations avec la Russie sont aussi une question contestée. Lors de la conférence de presse, Trump a dit que « je pense que nous allons bien nous entendre avec la Russie. Je le pense vraiment ». En même temps, le Pentagone a déclaré que la Russie et la Chine constituaient désormais la plus grande menace pour les États-Unis. Comment gardler le contrôle alors que la collusion et la rivalité demeurent une source de conflit, comme l'a indiqué Trump.

Les membres de l'OTAN, qui en majorité sont européens, disent régulièrement que la Russie est la menace principale, mais que la question de l'approvisionnement en énergie requiert qu'ils aient des relations avec elle. Stoltenberg a dit ceci devant le Congrès : « Nous ne voulons pas d'une nouvelle course aux armements. Mais il ne faut pas être naïf. » Il a dit que l'OTAN « n'a pas l'intention de déployer des missiles nucléaires à lanceur terrestre en Europe » mais va toujours prendre « les mesures nécessaires pour assurer une dissuasion crédible et efficace». « Nous devons maintenir une défense crédible et une défense pour tous les pays de l'OTAN » a-t-il ajouté, ce qui bien sûr s'appuie principalement sur les États-Unis. En ce qui concerne la Russie, cependant, l'affirmation que des armes nucléaires basées à terre ne seront pas déployées sonne creux. Les États-Unis avaient promis auparavant que l'OTAN ne s'étendrait pas plus à l'est pour encercler la Russie, ce qu'elle a pourtant fait. Et les États-Unis peuvent déployer des armes nucléaires sur leurs bases, que les pays membres de l'OTAN soient d'accord ou non.

Le fait que ceux qui veulent un retrait de l'OTAN dominent présentement au sein de l'administration est illustré par la démission du secrétaire à la Défense le général James Mattis. Lui qui est un supporter de longue date de Trump et qui demeure respecté par les militaires a écrit dans sa lettre de démission : « J'ai toujours eu cette croyance fondamentale que notre force comme nation est liée inextricablement à la force de notre système unique et global d'alliances et de partenariats. S'il est vrai que les États-Unis demeurent la nation indispensable du monde libre, nous ne pouvons pas protéger nos intérêts et jouer ce rôle de manière effective sans maintenir des alliances fortes et sans montrer du respect à nos alliés. »

Ce que ces gens au pouvoir gardent en commun malgré leurs différences, c'est l'opinion que les États-Unis sont « indispensables » et doivent dominer. Le conflit interne est sur la question de comment maintenir cette domination. Le refus de Trump d'exclure le retrait de l'OTAN et la démission de Mattis indiquent que le retrait de l'OTAN demeure une considération sérieuse.

Les actions du Congrès américain

Une partie du débat sur le retrait des États-Unis de l'OTAN se mène sur la question si le président peut agir sans l'autorisation du Congrès. La Constitution des États-Unis requiert que le Sénat approuve les traités à une majorité des deux tiers, mais elle ne mentionne pas directement la question d'un retrait. D'autres présidents ont retiré les États-Unis de traités, comme Carter qui a retiré les États-Unis du Traité de défense mutuel avec Taiwan lorsque les États-Unis ont reconnu la République populaire de Chine. Bush a retiré les États-Unis du traité sur les missiles antimissiles balistiques avec la Russie. Le cas Carter, le cas Goldwater c. Carter, s'est rendu en Cour suprême qui a émis un jugement en faveur de Carter. Bush a retiré les États-Unis du traité avec la Russie.

La majorité actuelle au Congrès appuie l'OTAN. Le projet de loi récent à la Chambre est un effort pour empêcher Trump de se retirer de l'OTAN. On y lit que l'OTAN « a servi de pilier de la paix et de la stabilité internationales, d'élément crucial à la sécurité des États-Unis et de dissuasion contre les adversaires et les menaces externes ». Qualifiant l'OTAN d'« une des alliances les plus réussies de l'histoire », et de « fondation de la politique étrangère des États-Unis », le projet de loi déclare aussi que les États-Unis « sont engagés solennellement envers le principe de l'Organisation du Traité Atlantique Nord de défense collective tel qu'inscrit à l'article 5 ». Tout ceci vise directement les menaces de Trump. Le projet de loi mentionne aussi que le jugement dans le cas Goldwater c. Carter ne constitue pas « un précédent juridique contrôlant » et que le Congrès est d'avis que « le président ne retirera pas les États-Unis de l'OTAN ». On y lit en conclusion : « Aucune autorisation n'est donnée d'approprier, d'engager ou de dépenser des fonds afin de retirer les États-Unis du Traité de l'Atlantique Nord. » Le projet de loi est présentement au Sénat et on s'attend à ce qu'il soit adopté, possiblement avec un appui assez fort pour éviter un veto de Trump. En 2017, la Chambre et le Sénat qui étaient alors contrôlés par les républicains avaient adopté des résolutions pour réaffirmer l'engagement des États-Unis envers l'article 5 du traité.

L'invitation faite à Stoltenberg à s'adresser au Congrès a été une autre action du Congrès pour contrer Trump et rassurer les alliés européens que les États-Unis vont demeurer dans l'OTAN et défendre l'Europe. Stoltenberg a été applaudi quand il a dit que l'OTAN a été fondée pour contrer l'agression soviétique et qu'elle demeure un instrument pour contrer une « Russie agressive et imprévisible ». Il a dit que la Russie a « essayé d'interférer dans la démocratie elle-même ». La présidente de la Chambre Nancy Pelosi qui, elle aussi, répand l'opinion d'une ingérence de la Russie dans les élections américaines, a émis le tweet suivant après le discours de Stoltenberg : « Cela fait 70 ans que les relations des États-Unis avec nos alliés de l'OTAN forment la fondation de nos efforts pour faire du monde un endroit plus sécuritaire et plus pacifique. Alors que nous marquons cet anniversaire historique, nous affirmons l'engagement inébranlable des États-Unis envers l'OTAN et la réalisation d'une paix permanente. »

L'amiral de la marine américaine James G. Stavridis, ancien commandant suprême de l'OTAN, a commenté : « Compte tenu du scepticisme évident et fréquemment exprimé par le président à l'égard de l'alliance, il est clair que le Congrès - sur une base bipartite - veut mettre tout son poids du pouvoir législatif derrière l'OTAN ». « Nous ne trouverons jamais un meilleur bassin d'alliés dans le monde que les Européens, et ce discours souligne l'importance du pont transatlantique, qui s'effrite un peu depuis quelque temps », a-t-il ajouté.

Stavridis est également l'un des nombreux militaires à la retraite de l'armée, des services de renseignement, des départements d'État et de la Défense qui ont publiquement condamné « l'urgence nationale » de Trump à la frontière mexicaine, qui pave la voie à faire appel à l'armée à l'intérieur des États-Unis et contre le Mexique. Ces actions révèlent que les conflits au sujet de l'OTAN et sur la meilleure façon de garantir le contrôle américain à l'étranger sont liés à la guerre civile à l'intérieur du pays, qui menace de devenir ouvertement violente.

La guerre impérialiste à l'étranger et la guerre civile dans le pays sont intégralement liées. Le dysfonctionnement actuel du Congrès, les luttes budgétaires qui se terminent par des fermetures du gouvernement, des élections qui ne résolvent aucune de ces batailles, contribuent tous à l'intensification des conflits entre les factions au pouvoir qui n'ont pas de solution aux problèmes dans le pays ou à l'étranger. Le Congrès, avec ses actions en faveur de l'OTAN, tente en partie de réaffirmer son autorité. Mais il est peu probable qu'il puisse bloquer l'exécutif de continuer de s'emparer du pouvoir. L'état de droit à l'étranger et au pays n'est plus reconnu par le bureau du président, ce qui a commencé bien avant Trump et qu'il est en train de consolider sous forme d'un gouvernement de pouvoirs de police. Ce sont les actions du président qui détermineront si les États-Unis se retireront ou non de l'OTAN, mais un tel retrait pourrait bien déclencher la guerre civile que les dirigeants tentent d'éviter.

L'OTAN comme racket de protection des États-Unis

Durant sa campagne présidentielle et jusqu'en 2017, Donald Trump a qualifié à plusieurs reprises l'OTAN d'« obsolète » et a critiqué le manque de dépenses militaires des pays membres, à l'exception des États-Unis. Lors du Sommet des dirigeants de l'OTAN tenu en juillet à Bruxelles, en juillet 2008, il a vivement critiqué les autres pays qui ne consacrent pas au moins 2 % de leur PIB aux dépenses militaires, tweetant que les États-Unis supportent le fardeau des dépenses militaires au sein de l'OTAN et que les autres pays devraient consacrer 4 % de leur PIB à la défense, à l'instar des États-Unis. Il a également accusé l'Allemagne d'être retenue captive par la Russie, qualifiant d'« inacceptable » l'investissement allemand dans un gazoduc de 11 milliards de dollars en mer Baltique destiné à importer du gaz russe. En janvier de cette année, le New York Times a rapporté que « plusieurs fois au cours de 2018, M. Trump a déclaré en privé qu'il souhaitait se retirer de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord. [...] À l'époque du sommet tumultueux de l'OTAN, lors de la réunion de l'été dernier, [l'actuel et l'ancien responsable de son administration] a dit que M. Trump avait déclaré à ses hauts responsables de la sécurité nationale qu'il ne voyait pas l'intérêt de l'alliance militaire, qu'il présentait comme une ponction sur les États-Unis. »

Au cours des derniers mois, l'administration Trump est allée encore plus loin. Elle envisage d'imposer des exigences financières accrues aux pays qui hébergent des troupes et des bases américaines, tels que le Japon, la Corée du sud, l'Allemagne et d'autres, sur la base de ce que l'on appelle « le coût plus 50 » - que les pays hôtes devraient payer pour les frais d'hébergement des troupes et des bases américaines, plus un 50 % supplémentaire.

« Tous les pays riches que nous protégeons doivent prendre bonne note que nous ne pouvons pas laisser les autres rire de nous », a déclaré Trump dans un discours prononcé devant le Pentagone le 17 janvier.[1] Il existe des divergences d'opinion au sein des cercles dirigeants américains au sujet de ce plan, certains considèrent qu'il sera inacceptable pour les partenaires américains, en particulier ceux dont la population résiste depuis longtemps à la présence américaine. « Dans certains cas, les pays qui accueillent des forces américaines pourraient être appelés à payer cinq à six fois le montant qu'ils paient présentement selon la formule 'coût plus 50' », a rapporté le 8 mars le Time Magazine. L'équipe du président voit dans cette démarche un moyen d'inciter les partenaires de l'OTAN à accélérer l'augmentation des dépenses de défense - un problème que Trump a imposé aux alliés depuis qu'il occupe ses fonctions », a ajouté Time Magazine. Récemment cette demande aurait presque fait dérailler les négociations sur le statut des 28 000 soldats américains en Corée du sud. Les rapports indiquent que les États-Unis pourraient « offrir un rabais » aux pays qui alignent de près leurs politiques avec celles des États-Unis.[2]

Entre-temps, les États-Unis ont conclu de nombreux accords militaires bilatéraux, notamment des accords de statut des forces à l'étranger (SOFA) qui permettent à leurs troupes d'opérer en toute impunité dans ces pays et permettent également de faire pression pour que les dépenses militaires augmentent. Un rapport du 16 janvier 2015 du Conseil consultatif de la sécurité internationale sur les accords de statut des forces à l'étranger du gouvernement des États-Unis donne un aperçu des SOFA à cette époque. Le résumé du rapport indique que « les États-Unis ont conclu des accords SOFA avec plus de 100 pays dont environ la moitié dans le cadre des SOFA de l'OTAN ou du Partenariat pour la paix, qui s'appliquent respectivement à tous les alliés de l'OTAN et à la plupart des partenaires du Partenariat pour la paix.[3] En outre, il existe des accords mondiaux avec d'autres pays. Il existe cependant encore des pays avec lesquels les États-Unis entretiennent d'importantes relations militaires, mais pas de SOFA. Le gouvernement des États-Unis devrait avoir pour priorité de combler ces lacunes. »

Demande américaine en matière de normalisation des armements

Le lien entre le développement de l'OTAN et la croissance de l'économie de guerre aux États-Unis et dans le monde, notamment en ce qui concerne le commerce mondial des armes, est l'une des questions où il existe une rivalité et une concurrence entre les impérialistes américains et les autres grandes puissances. Outre un certain niveau de dépenses militaires, l'adhésion à l'OTAN exige également l'uniformisation des armes. Cela nécessite dans la pratique la consolidation du développement des armes aux États-Unis. Seules certaines armes approuvées seraient autorisées dans le cadre de la normalisation et elles ont toujours été fabriquées aux États-Unis. L'avion canadien Avro Arrow a été l'une des victimes de cette exigence vers la fin des années 1950.

En Europe, les grandes puissances ont résisté en ce qui concerne les avions de combat, ce qui a entraîné une concurrence féroce avec les États-Unis, laquelle s'est ensuite étendue aux avions commerciaux avec le développement d'Airbus (anciennement EADS). Désormais, Boeing, après avoir détruit l'avion de transport régional C-séries de Bombardier, est lui-même en difficulté alors qu'Airbus est en plein essor.

Avec les monopoles vient la stagnation, et la loi du développement inégal des forces productives prend le dessus. Aujourd'hui, de nombreux pays ont dépassé les États-Unis en matière de technologie de missiles et d'avions de combat.

La dernière génération d'avions de combat russes serait supérieure au chasseur furtif américain F-35. L'Inde a annoncé récemment avoir détruit l'un de ses propres satellites spatiaux avec un missile lancé du sol. Le Japon a également dépassé les États-Unis dans le domaine de la technologie des missiles, tandis que la Chine gagne également rapidement dans le domaine de la technologie des missiles et de l'utilisation de l'intelligence artificielle, entre autres choses.

Notes

1. « Trump Seeks Huge Premium From Allies Hosting U.S. Troops », Nick Wadhams and Jennifer Jacobs, Bloomberg, le 8 mars 2019.

2. TheHill.com rapporte que « les pays qui hébergent des installations militaires permanentes des États-Unis paient généralement une partie des frais d'hébergement et d'équipement des troupes. Le paiement varie d'un pays à l'autre et de la manière dont il est donné. Certains alliés, comme le Japon et la Corée du sud, versent des contributions en espèces alors que d'autres notamment l'Allemagne où les États-Unis comptent plus de 30 000 troupes paient la note en assumant les frais pour les terrains, l'infrastructure et la construction des installations militaires, ainsi qu'en les exemptant des taxes et des droits de douane ».

3. L'OTAN dit que son Partenariat pour la paix « est un programme de coopération bilatérale pratique entre différents pays partenaires euro-atlantiques et l'OTAN. Il permet aux partenaires d'établir des rapports individuels avec l'OTAN, en choisissant leurs propres priorités de coopération. [...] Dans le cadre du programme PPP, des activités sont offertes qui concernent pratiquement tous les domaines d'activité de l'OTAN. [...] Actuellement, le programme du Partenariat pour la paix est mis en place dans 21 pays ».

L'OTAN a également conclu des accords individuels avec un certain nombre de pays qui ne font pas partie de ses cadres régionaux, qu'elle qualifie de « partenaires mondiaux ». Ces pays incluent actuellement l'Afghanistan, l'Australie, la Colombie, l'Iraq, le Japon, la République de Corée, la Mongolie, la Nouvelle-Zélande et le Pakistan.

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À titre d'information

Projet de loi sur la Chambre des représentants
des États-Unis en appui à l'OTAN

La Chambre des Représentants des États-Unis a adopté un projet de loi en janvier. Il a été présenté le 17 janvier et adopté le 22 janvier. Le vote a été à majorité écrasante en faveur du projet de loi, 357 pour contre 22 contre, avec l'abstention de 54 représentants. Le projet de loi est maintenant devant le Sénat. Si adopté de façon aussi définitive, cela suffira à annuler un veto qui vraisemblablement sera déposé par le président Trump, qui devra avoir l'appui des deux-tiers des deux chambres.

* * *

Résolution de la Chambre H.R.676 - 116e Congrès (2019-2020)

UNE LOI VISANT À

Réitérer le soutien du Congrès des États-Unis à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord et à d'autres fins.

Que ce soit adopté par le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis d'Amérique réunis au Congrès,

ARTICLE 1. TITRE ABRÉGÉ

Loi sur l'appui à l'OTAN (« NATO Support Act »)

ARTICLE 2. CONSTATATIONS

Le Congrès constate que :

(1) L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN), créée par le Traité de l'Atlantique Nord, entré en vigueur le 4 avril 1949, entre les États-Unis d'Amérique et les autres membres fondateurs de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, a été un pilier de la paix et de la stabilité internationales, un élément essentiel de la sécurité des États-Unis et un moyen de dissuasion contre les adversaires et les menaces extérieures.

(2) La Chambre des représentants a affirmé dans H. Rés. 397, le 27 juin 2017, que :

(A) l'OTAN est l'une des alliances militaires les plus réussies de l'histoire, elle dissuade le déclenchement d'une nouvelle guerre mondiale, protège l'intégrité territoriale de ses membres et a mené la guerre froide à une issue pacifique ;

(B) l'OTAN demeure le fondement de la politique étrangère des États-Unis visant à promouvoir une Europe entière, libre et en paix ;

(C) les États-Unis sont solennellement attachés au principe de défense collective de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, énoncé à l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord ; et

(D) la Chambre des représentants :

i) soutient fermement la décision prise lors du sommet de l'OTAN au pays de Galles en 2014 selon laquelle chaque membre de l'alliance viserait à consacrer au moins 2 % du produit intérieur brut de son pays à la défense d'ici 2024 ;

(ii) condamne toute menace à la souveraineté, à l'intégrité territoriale, à la liberté et à la démocratie de tout allié de l'OTAN ; et

(iii) accueille la République du Monténégro en tant que 29e membre de l'Alliance.

ARTICLE 3. COMPRÉHENSION DU CONGRÈS

La compréhension du Congrès est que :

(1) le président ne doit pas retirer les États-Unis de l'OTAN ; et

(2) l'affaire Goldwater v. Carter n'est pas la jurisprudence en ce qui concerne le retrait des États-Unis d'un traité.

ARTICLE 4. ÉNONCÉ DE POLITIQUE

C'est la politique des États-Unis :

(1) de rester membre en règle de l'OTAN ;

(2) de rejeter toute tentative de retirer les États-Unis de l'OTAN ou indirectement en condamnant ou en réduisant les contributions aux structures, activités ou opérations de l'OTAN, de manière à créer un retrait de facto ;

(3) de continuer à collaborer avec les membres de l'OTAN pour respecter les engagements pris en 2014 dans le Pays de Galles en matière d'investissement dans la défense ; et

(4) de soutenir le financement substantiel des États-Unis pour l'Initiative européenne de dissuasion, qui augmente la capacité des États-Unis et de leurs alliés de dissuader et de se défendre contre l'agression russe.

ARTICLE 5. INTERDICTION D'UTILISER DES FONDS POUR LE RETRAIT DE L'OTAN

Nonobstant toute autre disposition de la loi, aucun fonds ne peut être affecté ou dépensé pour prendre des mesures en vue de retirer les États-Unis du Traité de l'Atlantique Nord, conclu à Washington le 4 avril 1949 entre les États-Unis d'Amérique et les autres membres fondateurs de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

Adopté à la Chambre des représentants le 22 janvier 2019

(Traduction : LML)

Supplément
Les origines de l'OTAN

Les événements entourant la création de l'OTAN

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Collusion et rivalité dans l'Arctique

Le gouvernement Trudeau entreprend
de militariser l'Arctique

Depuis la création de l'OTAN il y a 70 ans, les gouvernements canadiens successifs ont pour politique d'interdire les activités de l'OTAN dans l'Arctique canadien. Malgré cela, ils ont régulièrement invité certains pays de l'OTAN à prendre part à des exercices militaires dirigés par le Canada, tels que l'opération annuelle Nanook ou les exercices controversés de vol à basse altitude au-dessus du Labrador et du nord du Québec dans les années 1980 et 1990. Et, bien sûr, étant sous les structures militaires du NORAD et du NORTHCOM, dominées par les États-Unis, le Canada a participé à de nombreuses activités conjointes de nature bilatérale avec les États-Unis dans l'Arctique. De plus, au fil des ans, le Canada a participé à des activités collectives de l'OTAN en Norvège, les plus récentes étant les exercices à grande échelle « Trident Juncture 18 » tenus à l'automne dernier auxquels le Canada a contribué 2 000 militaires.

Néanmoins, même si le Canada a de loin le plus vaste territoire polaire des 29 pays de l'OTAN, aucun exercice à grande échelle de l'OTAN n'a eu lieu dans l'Arctique canadien.[1] Wikileaks a donné un aperçu des raisons des gouvernements canadiens précédents en publiant un certain nombre de câblogrammes américains confidentiels en 2011. Dans un de ses câblogrammes, des responsables américains racontent que Stephen Harper avait dit au secrétaire général de l'OTAN, Fogh Rasmussen, que le Canada s'opposait à « un rôle de l'OTAN dans l'Arctique », que le Canada entretenait « de bonnes relations de travail avec la Russie en ce qui concerne l'Arctique et qu'une présence de l'OTAN pourrait avoir l'effet inverse en élevant les tensions ».[2]

Harper a en outre déclaré que « certains membres non arctiques étaient favorables à un rôle de l'OTAN dans l'Arctique, car cela leur donnerait une influence dans une région à laquelle ils n'appartiennent pas ». Il faisait sans doute référence aux pays « non arctiques » de l'Union européenne (UE) tels que l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni qui ont exprimé un grand intérêt pour l'utilisation du passage du Nord-Ouest du Canada, ainsi que pour l'accès aux ressources naturelles abondantes qui s'ouvriront dans l'Arctique avec la hausse des températures et le recul des glaces.

Le passage du Nord-Ouest serpente dans l'archipel nord du Canada. Cependant, les pays de l'UE ne reconnaissent pas la prétention du Canada que la voie de circulation se trouve dans les eaux intérieures du Canada. Des activités de l'OTAN dirigées par les États-Unis dans l'Arctique canadien renforceraient la position de l'UE selon laquelle le passage du Nord-Ouest est situé dans les eaux internationales. En conséquence, la revendication du Canada sur les eaux pourrait devenir nulle et non avenue.

Pour leur part, les États-Unis ne reconnaissent pas non plus la revendication du Canada sur le passage Nord-Ouest. Des activités de l'OTAN dans l'Arctique canadien pourraient également renforcer leur position. Mais il y a aussi un inconvénient pour les États-Unis. Actuellement, les États-Unis ont le Canada sous leur coupe, militairement, par le biais du NORAD et du NORTHCOM. Inviter d'autres pays européens dans l'Arctique nord-américain par le biais d'opérations menées par l'OTAN, notamment des concurrents comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France, pourrait être contreproductif à long terme pour les intérêts des États-Unis.

En fait, l'accord bilatéral actuel entre les États-Unis et le Canada est très avantageux pour les États-Unis et convient à l'administration Trump qui préfère conclure des accords bilatéraux plutôt que multilatéraux avec d'autres pays. Il s'inscrit également dans l'objectif de consolidation de la « forteresse Amérique du Nord » des monopoles et des oligopoles.

Cependant, s'il est clair que les gouvernements canadiens précédents, tant libéraux que conservateurs, se sont opposés ou ont découragé la participation de l'OTAN dans l'Arctique canadien, le gouvernement Trudeau semble prêt à renverser cette position longtemps défendue par le Canada.

Par exemple, en 2017 le gouvernement a présenté ce qu'il a appelé une nouvelle politique de la Défense nationale sous le titre Protection, Sécurité, Engagement. Cette politique stipule : « Conscient de l'intérêt accru de la communauté internationale pour l'Arctique, le Canada doit améliorer sa capacité de mener des activités dans le Nord et travailler en étroite collaboration avec ses alliés et partenaires. » Il propose en outre une « nouvelle initiative » visant à « mener des exercices conjoints avec nos alliés et nos partenaires dans l'Arctique, et contribuer au renforcement de la connaissance de la situation et des moyens d'échange d'information dans la région, notamment avec l'OTAN. »[3]

Pour donner suite à cette politique, le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, présidé par le député libéral Stephen Fuhr, a publié un rapport en juin 2018 intitulé Le Canada et l'OTAN : une alliance cimentée par la force et la fiabilité.[4] Le ton du rapport et de nombreuses observations de témoins laissent entendre qu'une participation beaucoup plus étroite de l'OTAN dans l'Arctique est à l'ordre du jour.

Dans ses recommandations finales, le comité de la Chambre des communes déclare « que le gouvernement du Canada joue un rôle de premier plan au sein de l'OTAN pour se spécialiser dans la défense, la doctrine de sécurité et les capacités pour l'Arctique, et qu'il renforce la connaissance de la situation de l'OTAN en Arctique, notamment au moyen d'exercices militaires et d'entraînement interarmées dans l'Arctique canadien pour les membres de l'OTAN ».

Comme le suggère le libellé, la nouvelle politique pourrait entraîner une augmentation de l'activité militaire de l'OTAN dans l'Arctique canadien, voire sous la direction des États-Unis. Si tel est le cas, le gouvernement Trudeau risque de perdre la souveraineté canadienne sur le passage du Nord-Ouest, d'aliéner les peuples autochtones et non autochtones opposés à la militarisation de la région et d'accroître les tensions avec la Russie qui se voit encerclée sur plusieurs fronts par l'OTAN.

Notes

1. List of NATO exercises, Wikipedia, accédé le 18 mars 2019

2. « Canada PM and NATO S-G discuss Afghanistan, the Strategic Concept, and the Arctic », Wikileaks, 20 janvier 2010

3. Protection, Sécurité, Engagement, la politique de défense du Canada, Ministère de la Défense nationale, 2017

4. Le Canada et l'OTAN : une alliance cimentée par la force et la fiabilité, Rapport du Comité permanent de la Défense nationale, Chambre des Communes, Canada, juin 2018

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La dispute au sujet du passage du Nord-Ouest

Le passage du Nord-Ouest, la voie de navigation qui passe par les nombreuses îles de l'archipel de l'Arctique canadien, est revendiqué depuis longtemps par le Canada en tant qu'eaux intérieures sous sa compétence territoriale. Cependant, cette prise de position est contestée par les États-Unis (et divers pays européens) qui prétendent que le passage est un détroit international qui unit « une région des hautes mers à une autre » - le détroit de Davis à l'est et le détroit de Beaufort à l'ouest.[1] Ainsi, du point de vue de l'administration américaine, il ne relève pas de la compétence juridique du Canada et elle n'a donc pas besoin de l'autorisation du gouvernement canadien pour y naviguer. À mesure que l'Arctique fond et ouvre davantage la voie au transport transocéanique - commercial et militaire - la question risque de s'envenimer.

La position canadienne sur le passage du Nord-Ouest a été présentée en 1985 à la Chambre des communes par le secrétaire d'État aux Affaires extérieures de l'époque, Joe Clark, qui a dit : « La souveraineté du Canada dans l'Arctique est indivisible. Elle s'étend aussi bien à la terre qu'à la mer et à la glace. Cette souveraineté s'étend sans interruption aux côtes des îles arctiques tournées vers l'océan. Ces îles sont rattachées, et non divisées, par l'eau qui se trouve entre elles. Elles sont reliées la plus grande partie de l'année par de la glace. Depuis des temps immémoriaux, les Inuits du Canada utilisent et occupent la glace comme ils utilisent et occupent la terre. La politique du gouvernement consiste à maintenir l'unité naturelle de l'archipel arctique canadien et à préserver intégralement la souveraineté canadienne sur la terre, sur la mer et sur la glace. »[2]

Clark a livré son discours au lendemain du voyage du navire de la Garde côtière américaine Polar Sea par le passage du Nord-Ouest en 1985, sans l'autorisation officielle du gouvernement canadien. Cet acte de provocation du gouvernement américain en avait enragé plus d'un au Canada et avait été perçu comme une violation de la souveraineté canadienne. Il y avait eu des actions de protestation partout au pays, y compris un incident où des étudiants canadiens et des activistes inuits avaient largué, à partir d'un avion, un drapeau canadien et des tracts sur le pont du Polar Sea pour exhorter l'équipage à sortir du passage du Nord-Ouest et à retourner dans les eaux internationales.[3] De son côté, l'Union soviétique avait appuyé la déclaration de souveraineté du Canada sur le passage, comme elle le faisait elle-même sur le passage du Nord-Est qui passe le long de ses côtes de l'autre côté de la calotte glacière polaire (une prise de position que la Russie a maintenue jusqu'à ce jour).

Une controverse de même nature s'est produite en 1969 lorsqu'un pétrolier américain, le SS Manhattan, a passé par le passage du Nord-Ouest sans en demander l'autorisation du gouvernement canadien. Cette fois encore, ce geste avait suscité des actions de protestation. Par exemple, au cours du voyage le long de la voie maritime glacée, « des chasseurs inuits ont arrêté le vaisseau et ont exigé que son maître demande l'autorisation de passer par le territoire canadien, ce qu'il a fait, et les chasseurs lui ont alors accordé leur autorisation ».[4]


Lorsque le SS Manhattan, le premier pétrolier à traverser le passage du Nord-Ouest,
est passé devant le hameau de Pond Inlet en 1969, Joseph Komangapik s'est placé en
face de lui et a commencé à construire un igloo. Ce geste symbolique a fait la une de plusieurs grands médias au Canada.

Même à l'époque tendue de la guerre froide et de la stratégie nucléaire du bord de l'abîme, les États-Unis ont toujours perçu leur droit incontesté de passage comme primordial, non seulement dans l'Arctique, mais mondialement. En effet, ces intérêts maritimes mondiaux « empêchent le gouvernement américain de concéder au Canada le passage du Nord-Ouest ». Comme l'a dit un commentateur, les États-Unis « vont continuer de faire étalage de leur puissance dans les détroits et les canaux et de protéger ces routes commerciales vitales partout dans le monde. »[5]

En 1987, plus d'un an après l'incident du Polar Sea, le premier ministre Brian Mulroney a rencontré le président des États-Unis de l'époque, Ronald Reagan, et a discuté du passage du Nord-Ouest. Essentiellement, plutôt que de poursuivre la question sur le plan juridique ou diplomatique, les deux pays ont accepté de ne pas être d'accord. Ils ont décidé « que les États-Unis demanderaient toujours l'autorisation avant d'expédier des brise-glaces dans le passage du Nord-Ouest. Et, à chaque fois, les Canadiens leur accorderaient cette autorisation ».[6]

À ce moment-là, selon certains analystes, « les Américains ne voulaient pas créer un précédent qui ferait en sorte que le fait d'accepter la souveraineté canadienne sur le passage du Nord-Ouest se répercuterait ailleurs comme dans le détroit de Hormuz (entre le golfe Persique et le golfe d'Oman) ». Mais un autre facteur est venu compliquer la donne. Les Américains ne voulaient pas remporter une contestation juridique contre le Canada devant un tribunal international « puisque le message d'une telle victoire serait que les pays comme la Russie auraient ensuite le droit international incontestable de transiter par le passage du Nord-Ouest » près du continent nord-américain.[7]

La question s'est estompée pendant quelques années. Cependant, dans les derniers jours de son administration en 2009, le président George W. Bush a émis la « directive présidentielle de sécurité nationale —66 ». Selon cette directive : « Les États-Unis ont des intérêts de sécurité nationale vastes et fondamentaux dans la région de l'Arctique et sont disposés à agir soit indépendamment ou en conjonction avec d'autres États pour sauvegarder ces intérêts... »[8]

Cette directive conteste à la fois le Canada et la Russie. On y lit : « La liberté de navigation est une priorité nationale. Le passage du Nord-Ouest, (revendiqué par le Canada) est un détroit qui sert à la navigation internationale, et la route maritime arctique (revendiquée par la Russie) comprend des détroits servant à la navigation internationale. Le régime de passage en transit s'applique au passage par ces détroits. La préservation des droits et responsabilités liés à la navigation et au survol dans la région de l'Arctique appuie notre capacité d'exercer ces droits partout dans le monde, y compris dans des détroits stratégiques. »

Lorsque le gouvernement Harper a adopté un système obligatoire de surveillance de la navigation, l'administration américaine a émis une note diplomatique de protestation le 19 mars 2010 et a réitéré sa position selon laquelle « le passage du Nord-Ouest est un détroit qui sert à la navigation internationale et le Canada n'a pas le droit d'imposer de façon unilatérale de telles obligations ». [9]

Depuis que l'administration Trump est arrivée au pouvoir, selon certains observateurs, il y a des indications que les États-Unis pourraient intensifier leur contestation face au Canada sur le passage du Nord-Ouest. Ceci est conforme à son mépris des lois et des ententes internationales et à son attitude belliqueuse envers amis et ennemis, envers les conséquences imprévues qu'il faut balayer de la main.

Récemment, le secrétaire américain de la Marine, Richard Spencer, a dit que « les États-Unis devront être plus engagés dans la région » en menant des manoeuvres de liberté de navigation « dans le nord-ouest, dans le passage du nord ». [10]. Il n'est pas clair si ce « passage du nord » est le passage du Nord-Ouest du Canada ou le passage du Nord-Est de la Russie ou les deux. L'une ou l'autre de ces manoeuvres serait une véritable provocation et, pour ce qui est de la Russie, dangereuse sur le plan militaire.

Notes

1. Charron, Andrea. « The Northwest Passage in context », Canadian Military Journal, Hiver 2005-2006

2. Killas, Mark. « The legality of Canada's claims to the waters of its Arctic archipelago ». Ontario Law Review, Vol. 19 :1

3. « 1985 Polar Sea controversy », Wikipedia, consulté le 26 mars 2019

4. « SS Manhattan (1962) », Wikipedia, consulté le 26 mars 2019

5. Charron, Andrea. Ibid

6. Beeler, Carolyn. » Who controls the Northwest Passage ? It's up for debate », PRI's The World, 4 septembre 2017

7. Huebert, Rob. « Protecting Canadian Arctic Sovereignty from Donald Trump, » Institut canadien des affaires mondiales, novembre 2018

8. « Directive présidentielle de sécurité nationale -- 66, » Maison-Blanche, Bureau de l'attaché de presse, 9 janvier 2009

9. Huebert, Rob. Ibid

10. Lajeunesse, Adam. « Is the next big fight over the North-West passage coming ? » Policy Options, 14 février 2019

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La lutte des Inuits pour faire de l'Arctique
une Zone de paix


La délégation canadienne à l'assemblée générale de 2018 de la Conférence circumpolaire inuite
organisée à Utqiagvik en Alaska

Les peuples autochtones de l'Arctique ainsi que les résidents non autochtones ont une longue et fière tradition de lutter pour une région arctique pacifique. Entre autres choses, ils se sont opposés massivement aux essais de bombes atomiques américaines sur l'île d'Amchitka en Alaska dans les années 1960 et 1970, mené des campagnes pour la paix dans les pays nordiques et une longue lutte dirigée par les peuples innus et inuits contre les vols militaires supersoniques à basse altitude que le gouvernement canadien et divers pays de l'OTAN effectuaient dans tout le Labrador et le nord du Québec dans les années 1980 et 1990.

En 1989, dans une puissante déclaration qui a des répercussions encore aujourd'hui, Mary Simon, la présidente de cette époque de la Conférence circumpolaire inuite (CCI), écrivait avec éloquence sur la nécessité d'établir une Zone arctique de paix. Elle fait valoir dans son article que le point de départ décisif est de « reconnaître que de vastes régions dans le nord du Canada, en Alaska, au Groenland et en Sibérie de l'Est constituent avant tout la patrie inuite » et que le peuple inuit ne veut pas que ses territoires traditionnels soient utilisés comme « zone militaire et de combat stratégique entre les alliances de l'Est et de l'Ouest. »[1]

Elle souligne que le peuple inuit, qui vit dans les régions circumpolaires depuis des millénaires, est le porte-parole légitime de l'Arctique. Puisque leurs terres et communautés « transcendent les frontières de quatre pays » (i.e. les États-Unis, le Canada, le Groenland et la Russie), les Inuits sont dans « un contexte unique où ils peuvent promouvoir les objectifs de paix, de sécurité et de contrôle d'armes au sein des États de l'Arctique ».

« Tout développement militaire excessif dans le Nord », affirme-t-elle, « que ce soit par l'Union soviétique (qui existait toujours à l'époque) ou les États-Unis, ne peut que diviser l'Arctique, perpétuer les tensions Est-Ouest et la course aux armements, et faire en sorte que notre peuple se trouve divisé en deux camps opposés ».

D'un point de vue inuit, une Zone de paix arctique ne permettrait pas les essais d'armes nucléaires ou d'armes de destruction massive, ni d'activités militaires qui « perturbent ou minent les communautés, les territoires, les droits et la sécurité des peuples autochtones et des autres peuples nordiques ». En ce sens, la protection de l'environnement arctique « doit l'emporter sur les exercices et autres activités militaires ».

Comme premier pas, la CCI propose que les nations arctiques déclarent qu'une Zone de paix arctique est un objectif essentiel pour elles, et qu'elle pourrait voir le jour progressivement. Aussi, ces pays doivent « fermement s'engager à ce que leurs futures politiques de contrôle militaire et d'armes soient conformes aux objectifs d'une Zone de paix » et que le territoire étatique canadien et nordique « ne doit pas servir à quelque pays que ce soit à des fins militaires offensives et déstabilisantes ».

Pendant les années 1980, les Inuits affirment leur souveraineté sur leurs terres, le Ntesinan, et s'opposent aux vols à basse altitude.

En plus, toute arme nucléaire et tout missile de croisière lancé par voie aérienne ou maritime doivent être interdits et l'utilisation navale de l'Arctique doit être révisée pour tenir compte du fait que « le principe de 'liberté de navigation' sans limite sur les hautes mers est caduc et ouvre la porte aux abus commis par les puissances militaires ».

Un pas important pour renverser la militarisation accrue serait de développer un « cadre juridique international qui codifie les infractions contre la paix et la sécurité de l'humanité » et que ces standards comprendraient des droits humains tels « le droit à la paix, le droit au développement et le droit à un environnement sain et sécuritaire ».

Enfin, elle exhorte « tous les gouvernements arctiques, peu importe leurs affiliations militaires ou leur statut nucléaire, d'embrasser l'idée d'une Zone de paix arctique », car pour ceux dont l'Arctique a toujours été la demeure ancestrale, « l'avenir du Nord le requiert ! »

Note

1. Simon, Mary. « Toward an Arctic Zone of Peace : an Inuit perspective ». Peace Research. Vol. 21, Numéro 4 (novembre 1989), l'Université mennonite canadienne.

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À titre d'information

L'Arctique – un survol


Iqaluit, Nunavut

L'Arctique est un des trésors de la planète Terre, une région d'une immense beauté, où la nature est sauvage et le climat souvent sans merci. Si on établit la ligne de démarcation de sa frontière sud au 60e parallèle (ce qui comprendrait l'Arctique et des régions subarctiques), on trouve des millions de kilomètres de glace, de neige, de toundra, de glaciers, d'océans, de montagnes, de forêts, de muskeg, de désert polaire et de pergélisol. Près de 40 % du territoire canadien est compris dans la région arctique et il en va de même pour la plupart des pays arctiques. Malgré un climat rigoureux, on y trouve une grande variété de faune, y compris le caribou, le renne, le morse, la baleine, l'ours polaire, le loup, de nombreuses espèces d'oiseaux et d'autres espèces.

Bien qu'on puisse s'imaginer que l'Arctique est une région ancienne et primitive, l'environnement actuel de l'Arctique est en réalité le plus récent du monde en termes géologiques. Il y a soixante-dix millions d'années, cette région était à toutes fins pratiques libre de toute glace et était tapissée de fougères, de cyprès et d'autres végétaux et peuplée d'animaux qu'on trouve normalement dans des climats subtropicaux.

La population de l'Arctique aujourd'hui est d'environ quatre millions de personnes dont approximativement 10 % sont autochtones (les chiffres peuvent beaucoup varier en fonction des frontières arctiques fixées). Au Canada, cependant, la population autochtone représente près de la moitié de la population arctique, et au Groenland, elle représente la majorité de la population. Ces peuples autochtones et non autochtones vivent dans huit pays différents, les États-Unis (l'Alaska), le Canada (le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut, le Nord québécois et le Labrador), le Groenland (le Danemark), l'Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie. Plus de la moitié des quatre millions d'autochtones vivent en Russie où se trouve la plus grande ville au nord du Cercle polaire (Mourmansk).

On a raison de croire que les peuples autochtones ont habité la Sibérie en Russie il y a aussi longtemps que 30 000 ou 40 000 ans. Au Canada, on évalue que le peuplement de la région du Cercle polaire s'est fait entre 12 000 et 14 000 ans avant notre ère, et le peuplement par les peuples inuits à environ 2 500 ans avant notre ère, ou même aussi tôt que 6 500 ans avant notre ère. Par leur ingéniosité, leur travail acharné et leur intelligence, ces peuples ont réussi à bâtir et soutenir leurs nations et leurs riches cultures dans les pénibles conditions de l'Arctique, et souvent avec des ressources très limitées.

Une liste partielle de regroupements autochtones de l'Arctique aujourd'hui comprend les Inuits (au Canada, en Alaska, au Groenland et en Russie), les Gwich'in (au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et en Alaska), les Athapaskans (au Canada, en Alaska), les Samis (en Norvège, en Suède, en Finlande et en Russie), et les Aléoutes (en Alaska, en Russie). Seulement en Russie, il y a plus de 40 peuples autochtones. Dans toutes ces régions, les populations autochtones ont été décimées par l'exploitation coloniale, l'agression culturelle, la propagation de maladies et d'autres fléaux. Mais en dépit de tout ce qu'ils ont eu à confronter, par leur grande détermination, ils ont défendu leurs droits, leurs terres et leurs moyens de subsistance, et se sont opposés à la militarisation de la région.

Il y a beaucoup de différences dans la vaste région de l'Arctique en termes de population, de gouvernance, de cultures, de langues et de climat, et même en termes de degré d'urbanisation, d'industrialisation et de militarisation. Par exemple, le Nord du Canada et le Groenland sont peu peuplés, alors que l'Alaska et la Russie ont une population considérablement plus grande. La température la plus froide jamais enregistrée sur terre (moins 70 degrés Celsius) a été en Sibérie. Et pourtant, la température à Reykjavik, en Islande, sous l'influence des courants océaniques, est relativement modérée avec des températures oscillant autour de zéro à l'année longue. Malgré les différences et les longues distances, les peuples de l'Arctique ont des liens millénaires et ils se voient comme ayant non seulement un territoire commun, mais souvent une cause commune.

La région arctique est riche en ressources naturelles avec approximativement 22 % des réserves mondiales de gaz et de pétrole, des dépôts d'uranium, de bauxite, de minerai de fer, de cuivre, de nickel, de cobalt, de phosphates et de divers autres métaux et minéraux, d'eau potable (10 % de l'eau potable mondiale se trouve dans l'Inlandsis - couche de glace - au Groenland), d'énergie hydroélectrique. Elle foisonne aussi de poissons et d'animaux marins. Parmi les industries, on compte l'extraction minière, le forage de gaz et de pétrole, la chasse et la cueillette, la pêche, la trappe, l'élevage (de rennes), le tourisme et l'art et la sculpture autochtones.

Malgré la nature sauvage, l'Arctique subit les répercussions dramatiques de la pollution et du réchauffement climatique. Le développement industriel, ainsi que les activités militaires accrues, accélèrent le processus de pollution de la terre et de l'eau. Aussi, les polluants transportés des autres régions de la terre par le vent s'accumulent.

À mesure que les températures augmentent (beaucoup plus rapidement qu'ailleurs sur la Terre), la fonte de la glace de mer et des glaciers a d'immenses répercussions sur le territoire, la faune et les peuples de la région, ainsi que sur les niveaux des mers à l'échelle mondiale. Ces nombreux problèmes sont exacerbés par la fonte de pergélisol, duquel émane d'immenses quantités de méthane, un gaz à effet de serre.

Dans les prochaines années, on s'attend à ce que le passage du Nord-Ouest canadien et le passage du Nord-Est russe seront moins faits de glace et deviendront plus navigables, ouvrant ces routes maritimes au transport transocéanique, ainsi qu'au forage de gaz et de pétrole et à la pêche. Par conséquent, la concurrence entre les grandes puissances et les sociétés cartels est aussi exacerbée alors qu'elles cherchent à y avoir l'accès et le contrôle, que ce soit militairement ou commercialement.

S'il est vrai que de nouveaux problèmes complexes ont été engendrés, il est aussi vrai que les peuples de l'Arctique, à la fois les autochtones et les non autochtones, y compris ceux du Canada, sont résilients et vont continuer de se battre à la défense de leurs droits, de leurs terres et de leur mode de vie.

Dans les chansons qui suivent (traduites de l'Inuktitut il y a une centaine d'années), la grande poète de la tradition orale et chanteuse inuit Uvavnuk a bien capté la résilience de l'esprit et de la vision de son peuple dans le contexte grandiose des forces de la nature :

La Grande mer

La Grande mer
A rompu mes amarres
Elle m'emporte
Comme la semence dans la grande rivière
La terre et les tempêtes

Me transportent
M'ont entraînée au loin
M'animant d'une joie profonde.

La seule grande chose

Et je repense
À mes petites aventures
Lorsque, mue par un vent des rives,
J'ai quitté la terre dans mon kayak
Et j'ai cru que j'étais en danger.
Mes craintes,
Ces petites craintes
Me semblaient si grandes
Lorsque je devais partir à la recherche
De toutes ces choses essentielles.
Et pourtant, il n'y a qu'une seule
Grande chose
La seule chose.

C'est de vivre et de voir
Par les huttes et les voyages
Le grand jour qui perce à l'aube
Et la lumière qui baigne le monde.

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Le conseil de l'Arctique et la question militaire

Le Conseil de l'Arctique, créé en 1996, est le principal organe multilatéral de la région arctique.[1] Ses huit États membres votants sont le Canada, les États-Unis, le Danemark (Groenland), l'Islande, la Norvège, la Suède et la Finlande, qui ont tous un territoire dans le cercle polaire arctique. En outre, il existe six organisations de « participants autochtones », dont le Conseil circumpolaire inuit, l'Association internationale des Aléoutes, le Conseil des Athabaskans de l'Arctique, le Conseil international des Gwich'in, l'Association russe des populations autochtones du Nord et le Conseil Saami nordique. En outre, treize États asiatiques et européens, dont l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon et la Chine, ont le statut « d'observateur ».

Dans le cadre de ses travaux, le Conseil est défini comme le principal forum intergouvernemental dans l'Arctique qui :

a) favorise la coopération, la coordination et l'interaction entre les États de l'Arctique, avec la participation des communautés indigènes de l'Arctique et de ses autres habitants au regard des problèmes communs de l'Arctique, plus précisément aux problèmes de développement durable et de protection de l'environnement dans l'Arctique.

b) supervise et coordonne les programmes établis dans le cadre de l'évaluation stratégique des incidences environnementales.

Le Conseil a été créé à la suite d'une suggestion faite par le premier ministre canadien Brian Mulroney dans un discours prononcé à Leningrad le 24 novembre 1989. Dans son discours, Mulroney a posé la question suivante : « Et pourquoi pas un conseil des pays arctiques pour coordonner et promouvoir la coopération entre eux ? » [2]

Cela faisait écho à la déclaration du premier ministre Louis St-Laurent et du secrétaire d'État Lester B. Pearson en 1946, selon laquelle le Canada « souhaitait travailler ‘non seulement avec les États-Unis, mais également avec les autres pays arctiques, le Danemark, la Norvège et l'Union soviétique' afin d'encourager les mesures de coopération pour le développement économique et des communications de l'Arctique ' ». Selon certains analystes, cette déclaration était motivée par les « craintes du Canada face aux pressions américaines ».[3]

En 1987 à Mourmansk, deux ans avant la déclaration de Mulroney, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev prononça un discours de politique étrangère appelant l'Arctique à devenir une « zone de paix »[4]. Dans ses commentaires, il préconisa les six mesures suivantes :

1. la création d'une zone dénucléarisée en Europe du Nord;
2. les consultations entre le Pacte de Varsovie et l'OTAN qui visaient à limiter et à réduire les activités des forces navales et aériennes dans les eaux de l'Europe du Nord et du Groenland;
3. la coopération en matière de développement des ressources et d'échange technique;
4. la coordination et échange de recherches entre les pays nordiques et subarctiques sur des questions scientifiques, avec une attention particulière pour les populations autochtones et les groupes ethniques;
5. la coopération entre les pays du nord en matière de protection et de gestion de l'environnement;
6. l'ouverture de la route maritime du Nord aux navires étrangers, la Russie fournissant les brise-glaces.

Le discours de Gorbatchev est considéré par plusieurs comme ayant celui qui a semé les bases du Conseil de l'Arctique et des autres initiatives de coopération qui ont suivi parmi les pays et les peuples de l'Arctique, y compris la Stratégie de protection de l'environnement arctique menée par la Finlande (qui sera ultérieurement transformée en Conseil de l'Arctique).

Pour faire suite à la suggestion du premier ministre Mulroney, un groupe de gens du nord du Canada et d'experts du nord ont lancé ce qu'on a appelé « le projet du Conseil de l'Arctique », qui a reçu un soutien financier de l'organisme philanthropique Walter and Duncan Gordon Foundation. Walter Gordon était un ministre libéral fédéral connu pour ses politiques nationalistes économiques.

Un autre facteur dans le développement du projet a été « la voix croissante des peuples autochtones du Nord canadien » qui s'est reflétée dans la composition du groupe d'experts. Les membres comprenaient les coprésidents Franklyn Griffiths, professeur de sciences politiques et Rosemarie Kuptana, ancienne présidente de la Inuit Broadcasting Corporation, ainsi que des membres de diverses organisations autochtones du Nord, dont Inuit Tapirisat of Canada, la nation dénée, Indigenous Survival International et le Conseil circumpolaire inuit. Les autres membres provenaient du Comité canadien des ressources arctiques et du Centre canadien de contrôle des armements et du désarmement.

Après avoir consulté les habitants du nord partout dans l'Arctique, le groupe d'experts a publié un « Rapport-cadre » en 1990 afin de créer un Conseil international de l'Arctique.[5] Dans son rapport, le groupe d'experts a noté que « le destin du Canada et celui de l'Arctique sont indissociables » et que le Canada, en tant que peuple qui habite des terres nordiques, était dans une position privilégiée pour prendre l'initiative de créer le Conseil. Il a déclaré qu'« à mesure que les alignements et les priorités de la guerre froide cèdent la place à une nouvelle architecture de coopération régionale et mondiale, les États nordiques se voient offrir une opportunité vraiment extraordinaire pour la mise en place d'institutions dans l'Arctique ».

La vision de l'Arctique par le groupe d'experts n'était pas une frontière « mais un élément du foyer commun des nations circumpolaires ». Cette vision reconnaît « que les ressources exceptionnelles de l'Arctique sont sa population, et non ses ressources pétrolières et gazières, ses minéraux ou son espace à des fins d'opérations militaires ». En outre, le groupe d'experts a estimé que le nouveau Conseil romprait avec le passé « en donnant une nouvelle voix aux résidents du Nord » et en offrant de nouvelles possibilités de collaboration et de coopération.

Selon le rapport, « de considérer l'Arctique principalement sous l'angle de la souveraineté et de sa défense contre l'intrusion étrangère revient à ne pas suivre la marche du temps », en particulier à la lumière « d'innombrables passages frontaliers silencieux [qui] se produisent quotidiennement dans une région où l'environnement forme un tout ». Plus loin on y déclare que l'Arctique est un domaine distinct, qu'une nouvelle coopération entre États est nécessaire et que, pour concevoir l'objectif du Conseil en matière d'Arctique, « essentiellement en termes de ce qui pourrait être accompli derrière les juridictions nationales, ne serait plus adéquat ».

Parlant du soutien du Canada à la collaboration civile, le rapport indique que le Canada a appliqué « des mesures bilatérales dans l'Arctique avec l'Union soviétique depuis les années 1970 » et a favorisé des « accords multilatéraux qui, dans certains cas, ont plus en commun avec la pensée de l'Union soviétique que celle des États Unis ». Toutefois, il a également souligné que « pour le moment, le Canada adhère néanmoins à l'opinion de l'OTAN selon laquelle les questions militaires dans l'Arctique doivent être négociées exclusivement sur une base Est-Ouest plutôt que sur une base circumpolaire ».

Le rapport note que la militarisation accrue de l'Arctique jusqu'à cette date, c'est-à-dire 1990, n'est probablement pas contrôlée par les moyens actuels de maîtrise des armements et que la région est « sujette à une militarisation continue alors même que la démilitarisation devient la règle en Europe et dans les relations américano-soviétiques. » Cela revenait à être traité « de manière préjudiciable par les décideurs en matière de sécurité nationale ».

De l'avis des membres du groupe d'experts, les huit États membres du Conseil de l'Arctique proposé auraient « l'obligation de discuter des problèmes militaires de l'Arctique et de poursuivre tout consensus lors des négociations extrarégionales pertinentes », et que « plus importante est la rivalité militaire dans l'Arctique entre les forces en présence et leur approche qui l'accompagne, plus difficile est la collaboration civile qui est essentielle à la gestion rationnelle d'une région interdépendante ». La conclusion était que l'Arctique « ne peut pas rester le foyer de la concurrence militaire de plus en plus vue comme intolérable ailleurs » et qu'il était nécessaire de disposer d'un instrument international tel que le Conseil de l'Arctique qui « permette à toutes les parties concernées de générer et de mettre en oeuvre une vision commune de l'avenir de la région ».

En ce qui a trait aux inévitables critiques formulées par certains milieux au sujet d'inclure des questions militaires dans l'ordre du jour du Conseil, le rapport affirmait qu'il n'y avait pas de « rideau de fer » entre les affaires civiles et militaires et que « seule une institution arctique à vocation générale peut se mesurer aux responsabilités partagées des États de l'Arctique et à l'opportunité d'un nouveau départ à une époque de transition fondamentale dans les affaires internationales ». En outre, « contraindre [le Conseil de l'Arctique] à un ordre du jour non militaire reviendrait en fait à affirmer que la mentalité d'un utilisateur du Sud jouit d'un soutien officiel non réduit parmi les huit de l'Arctique ».

Au début, « ni les Américains ni les Soviétiques n'ont accepté les efforts initiaux visant à créer ce conseil ».[6] Au fil du temps, le Groupe d'experts a vu ses recommandations diluées ou éliminées. Différents États ont « exprimé une opposition tacite unanime aux négociations entre États de l'Arctique sur des questions militaires » et ont indiqué que ces questions « étaient mieux traitées dans des enceintes telles que l'OTAN ou le processus d'Helsinki (CSCE) ». En revanche, les peuples autochtones et les gouvernements territoriaux étaient plus susceptibles de vouloir que ces questions soient à l'ordre du jour.[7]

Outre le problème des questions militaires, les États-Unis s'opposaient également « à l'accent mis par le Canada sur les questions autochtones » au détriment de l'environnement, ainsi que sur l'insistance du Canada sur « la souveraineté sur les eaux couvertes de glace où les Inuits du Canada chassaient et où les États-Unis souhaitaient établir des routes de navigation ».

Les Américains ont finalement rejoint le Conseil, mais à contrecoeur. Le prix à payer pour persuader les Américains d'adhérer était « leur détermination à maintenir le Conseil aussi faible que possible ». En conséquence, les responsables canadiens ont été incapables de donner au Conseil de l'Arctique les pouvoirs dont ils estimaient avoir besoin pour servir de forum efficace pour le monde circumpolaire. »[8]

Depuis 1996, le Conseil de l'Arctique se réunit régulièrement et a pris un certain nombre d'initiatives environnementales, écologiques et sociales. En outre, bien que le Conseil n'ait pas de pouvoir d'exécution, il a également fourni une tribune pour la négociation "d'importants accords juridiquement contraignants entre les huit États de l'Arctique", notamment en matière de recherche et de sauvetage dans l'Arctique, de préparation et de lutte contre la pollution marine par les hydrocarbures, et de coopération scientifique dans l'Arctique.

Cependant, le mandat du Conseil continue d'exclure explicitement les questions de « sécurité militaire » ou de militarisation de l'Arctique. Mais ces dernières années, cette position de longue date a été remise en question. L'ironie est que l'inquiétude provient maintenant de sources américaines. Par exemple, en 2016, sous l'administration Obama, le groupe de réflexion « Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) » de Washington, a appelé à la refonte du Conseil de l'Arctique afin d'inclure une « dimension de sécurité ». Et il existe d'autres voix américaines qui souhaitent également élargir le mandat du Conseil. La raison de cette expansion semble provenir de ce que certains perçoivent comme une menace militaire croissante de la part de l'armée russe dans la région et ailleurs.[9]

D'autres encore considèrent l'inclusion des questions militaires à l'ordre du jour du Conseil comme une « politisation » de l'organisation qui « risque de nuire à la coopération et à la coordination actuelles entre les États de l'Arctique et les communautés autochtones ». À cet égard, le boycott d'une réunion du Conseil de l'Arctique en Russie en 2014 par le Canada et les États-Unis au sujet de la crise Ukraine/Crimée est considéré par certains comme un exemple de cette politisation. Une telle politisation pourrait « paralyser » l'organisation, affirment-ils. Au lieu de cela, on dit que la structure de gouvernance du Conseil « fonctionne très bien, en grande partie non affectée par les crises majeures de sécurité ».[10]

Cependant, en 2019, compte tenu des préoccupations de l'administration Trump à propos de sa participation à des structures multilatérales, il reste à savoir quelle sera sa position à l'égard de tout élargissement proposé du mandat du Conseil de l'Arctique afin d'inclure les questions militaires ou, en l'occurrence, sa participation au Conseil pourrait prendre quelle forme à l'avenir.

Notes

1. « The Arctic Council »

2. « To establish an international Arctic Council : A framework report ». Interim Report of the Arctic Council Panel. Canadian Arctic Resources Committee, novembre1990

3. Keskitalo, Eva. « Negotiating the Arctic : The construction of an international regime », New York : Rutledge, 2004

4. Gorbachev, Mikhail. « Speech in Murmansk at the ceremonial meeting on the occasion of the presentation of the order of Lenin and the gold star to the city of Murmansk », octobre 1987

5. « To establish an international Arctic Council : A framework report. » Interim Report of the Arctic Council Panel. Canadian Arctic Resources Committee. novembre 1990

6. Huebert, Rob, « Canadian Arctic sovereignty and security in a transforming circumpolar world », Canada and the changing Arctic : Sovereignty, security and stewardship. Wilfred Laurier University Press. 2011

7. Scrivener (1996) in Keskitalo, Eva. « Negotiating the Arctic : The construction of an international regime », New York : Rutledge, 2004

8. Huebert, Rob, « Canadian Arctic sovereignty and security in a transforming circumpolar world. » Canada and the changing Arctic : Sovereignty, security and stewardship. Wilfred Laurier University Press. 2011

9. Groenning, Ragnhild. « Why military security should be kept out of the Arctic Council », The Arctic Institute. Le 2 juin 2016

10. Stephen, Kathrin. « An Arctic security forum? Please, no! », The Arctic Institute. Le 26 mai 2016

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